Solidaritair Val d'Oise

Un équipage de jeunes à la découverte de l'Afrique

2000 - 2001


Présentation du projet
Nicolas Thébault

Recherche de sponsors

Trois stratégies d'approche

Accueil téléphonique

Une philosophie de développement

Une recherche astucieuse de financement pour l’ONG  ASI

Le Burkina Faso et les axes d’aide au développement... l’élevage

Résultats ?

Et ensuite ?

La santé

ASI, aujourd’hui

Venir se rendre compte sur place et témoigner

Parole de sage

Mes leçons d’Afrique

Conclusion

Le Burkina Faso vu par Hasna
Hasna Rezgui - Aide-soignante à Beaumont

Le Burkina Faso vu par Hasna

Pour conclure mes anecdotes

Récits de voyage
Cédric Protière - Etudiant à l'EISTI à Cergy

Notre trajet au Burkina Faso

Dimanche 18 février 2001 – Le départ

Lundi 19 février 2001 – Départ pour Bogandé

Mardi 20 février 2001 : Présentation d'ASI/ICODEV

Mercredi 21 février 2001 : En route pour Gorom Gorom

Jeudi 22 février 2001 – Gorom Gorom

Vendredi 23 février 2001 - forage de Wourmoula

Samedi 24 février 2001 – Dipienga et Dinalaye

Dimanche 25 février 2001

Lundi 26 février 2001

Lundi 26 et mardi 27 février 2001

Mercredi 28 février 2001

Introduction

Ce projet est né du mariage de convictions et de passions, un drame est survenu… puis nous avons poursuivi ce projet dont nous vous restituons le vécu par ce récit.

La première de ces convictions part d'un constat : l'humanité connaît une croissance exponentielle et 3 milliards d'êtres humains vivent aujourd'hui avec moins de 2 dollars par jour. Dans nos sociétés dites "développées", nous montrons souvent le visage de l'insatisfaction dans l'abondance quand nos cousins d'Afrique accompagnent leur difficile survie d'une joyeuse désinvolture. C'est pour cela que j'aime ce continent et les habitants d'Afrique de l'Ouest que j'ai eu la chance de rencontrer sur place. La solidarité n'est pas une grande leçon que nous venons donner aux yeux du monde en les aidant, c'est un apprentissage de la vie que nous découvrons grâce à eux, en les accompagnant. Une autre certitude dans notre société du temps libre est que nous avons la possibilité de partager un peu de notre énergie à d'autres causes que le travail, la famille ou des loisirs personnels, nous pouvons consacrer une partie de cette ressource à d'autres causes tout aussi utiles et qui nous rapprochent peut-être finalement de l'essentiel, ce sans quoi tout le reste n'a pas le même sens.

 

 

Ma passion pour l'aviation m'a conduit à devenir pilote et de là, j'ai eu accès à une formidable et unique aventure aérienne que constitue le raid air solidarité. Devant l'importance du budget que réclame une telle entreprise, j'ai eu l'envie de concrétiser chacune de mes participations par un témoignage écrit, à partager. Après avoir su trouver l'aide financière auprès de sponsors, depuis 1996, l'idée m'est venue d'associer à ce projet les jeunes de mon entourage, les plus aptes à transmettre leurs émotions et leur enthousiasme à ceux de leur génération. En vue de l'édition 2000, j'ai associé les jeunes par une rubrique dans la revue Val d'Oise mag du conseil général. De  20 curieux au départ nous avons au fur et à mesure formé un équipage, en charge de réunir un budget de 250KF environ et de s'assurer de la préparation d'un avion de 300 chevaux capable d'entreprendre un vol de 20 000kms en Afrique. Un an de travail acharné de nombreux échanges de courrier électroniques, des réunions hebdomadaires, des contacts nombreux en Val d'Oise avec les entreprises et les personnalités actives dans ce domaine.         

 

 

Un drame a frappé ce raid au large des côtes libyennes. Une collision en mer faisait 4 morts le 10 octobre dernier. Notre avion impliqué dans cet accident a par une chance inouïe pu regagner le terrain de destination. Annulation de cette opération d'envergure, retour en Europe. Tous les projets humanitaires auront été financés, mais cette catastrophe et ces conséquences laissent des traces dans beaucoup d'esprits.

Nos pensées vont d’abord aux familles de victimes.

 

 

 

Recherche de sponsors

Bête noire de notre équipe, elle a été également un révélateur salutaire de la difficulté à communiquer en général et dans le monde de l'entreprise en particulier, de surcroît par téléphone. Le but était aussi que chacun puisse tester et améliorer sa capacité à chercher et trouver les partenaires financiers pour soutenir l'opération. Nous avons tout participé financièrement à titre personnel, c'était une condition nécessaire à notre engagement, 15000F pour les pilotes salariés, 5000F pour les jeunes et étudiants. Au total, l'équipage contribue pour le tiers du budget, reste à trouver les partenaires, sponsors ou mécènes pour le reste. Afin de rester dans la cohérence du projet, nous avons ciblé en priorité  les sociétés implantées dans le Val d'Oise (entreprise citoyenne), sans négliger les contacts extérieurs liés à notre opération (développement, aéronautique ou communication).

 

 

 

Bien sûr, le fait d'être plus âgé, avec une expérience commerciale et un statut professionnel donnent un avantage certain à l'exercice. Il n'en reste pas moins que les facteurs clés du succès sont: Motivation, conviction et résistance à l'échec. La première condition, l'envie d'aboutir, était remplie, en tout cas par les personnes qui ont persévéré jusqu'au bout, motivées par  l'ensemble du sujet, humanitaire et avion léger. Toutefois  le rappel de la réalité et des exigences du planning que nous étions fixées s'est avéré parfois nécessaire.

 

 

Trois stratégies d'approche

Systématique: le partage du Bottin des entreprises de la région entre les participants. C'est la méthode la plus ingrate, mais également la plus formatrice  pour se faire une idée de l'accueil téléphonique dans le monde du travail et des nombreux barrages à franchir.

Thématique: il s'agissait là de nous sélectionner les activités qui pouvaient avoir un rapport avec les sujets que nous soutenions ou les moyens mis en œuvre pendant le raid. Déjà plus facile d'attirer l'attention, mais ça n'est pas pour autant gagné d'avance.

Relationnelle: c'est évidemment le plus logique, encore faut-il avoir conscience de la richesse de son réseau, même lorsque l'on est étudiant. En premier lieu les écoles d'appartenance ou employeurs sont  les premiers partenaires potentiels pour peu qu'ils soient séduits et encouragés par la force de conviction des demandeurs

Accueil téléphonique

Dans ce domaine, il y a vraiment quelque chose à revoir dans nos entreprises. Utiliser le téléphone dans une relation habituelle, de surcroît lorsque l'on connaît le numéro direct de l'interlocuteur ou son portable est chose aisée. Se retrouver devant un standard automatique imbécile ou pire, en ligne avec une préposée digne du même qualificatif ("de la part ?", "c'est pourquoi ?", "y répond pas !") est la pire des expériences relationnelles. L'entreprise qui accueille ses visiteurs et donc ses clients potentiels avec une voix de synthèse et un questionnaire à choix multiples a déjà perdu un avantage compétitif essentiel dans la relation commerciale.

Le pouvoir de dire oui… ou non. Pas si simple dans nos sociétés judéo-chrétienne de prendre une décision, surtout vis à vis d'une opération humanitaire. Le pire sont ces petites gens qui vous feront croire jusqu'au bout qu'elles ont le pouvoir et qui prétexte au dernier moment une vague histoire de budget pour ne pas avouer leur réelle médiocrité. La meilleure image que nous gardons des entreprises questionnées vient de celles qui ont su nous dire aimablement et rapidement oui ou non en expliquant pourquoi.

"Il n'y a qu'une façon de dire oui… c'est Oui… toutes les autres veulent dire non" (Talleyrand)

Une philosophie de développement

ASI est implantée depuis plus de 10 ans au Burkina Faso et y travaille dans un esprit de soutien et d’appui, plutôt que dans le cadre d’une aide directe ou d’urgence. Le but n’est pas de « faire à la place », mais de favoriser un processus d’auto promotion, avec la participation de la population locale. Suivant un proverbe Burkinabè : Si tu veux qu’on t’aide à porter un canari (jarre d’eau), mets-le d’abord sur tes genoux.

A l’origine d’un projet, les individus qui doivent  bénéficier de l’action en sont les acteurs. Ils sont  le moteur du progrès, le carburant peut provenir dans un premier temps de l’organisme de soutien, qui aide au démarrage, jusqu’à l’autonomie. 9 projets sur 10 échouent, faute d’avoir demandé leur avis, aux personnes chargées de les exécuter.   

Cette approche  du développement n’est pas si facile à mettre en œuvre, ni très spectaculaire au premier abord. Les règles de conduite que s’est fixée ASI, compte tenu de son expérience terrain peuvent rappeler à bien des égards de bons principes d’éducation :

·        ne pas avancer trop vite - mieux vaut qu’un projet soit mûr avant de le lancer, avancer progressivement permet de consolider les acquis.

·        accepter le droit à l’erreur - laisser faire des choix à priori critiquables pour favoriser l’apprentissage quitte à perdre un peu de temps

·        adapter la taille du projet - rien ne sert de voir trop gros, cela risque d’inhiber le projet dont l’échelle doit être adaptée aux capacités d’assimilation.

·        valoriser les apports - inclure la moindre contribution des acteurs à leur projet

·        utiliser et faire valoir le savoir-faire local, la relation en est équilibrée.

·        mobiliser les ressources - utiliser au maximum la matière première et les richesses que l’on peut trouver localement, cela favorise l’autonomie.

L’aide publique au développement est un concept relativement récent dont l’origine remonte à l’après guerre avec le plan Marshall. Une banque de céréale pouvant assurer la sécurité alimentaire en cas de crise. De grands programmes ont été lancés ensuite, visant à désenclaver des régions d’accès difficiles et donc d’abaisser le coût d’accès commercial. Les flux privés étaient trop faibles pour rendre ces programmes efficaces.

Enfin, à partir des années 70, la satisfaction des besoins fondamentaux des individus a été mieux prise en compte : alimentation, santé, éducation. Après la grande sécheresse de 74, l’accent a été mis sur l’autonomie alimentaire. Les échanges qui transitent par les états trouvent leurs limites : projets  souvent trop grands, imposés de l’extérieur et surtout d’entretien coûteux. Les états sont trop souvent déconnectés de la population dans ces pays ou le pouvoir reste encore bien souvent une abstraction. L’orientation actuelle du Fond Monétaire International et de la Banque Mondiale est de résorber le déficit qui étrangle les pays du tiers monde, en privilégiant ceux qui accèdent à des régimes démocratiques et sont orientés vers leur population.

Une recherche astucieuse de financement pour l’ONG  ASI.

Les Organisations Non Gouvernementales (ONG), ont l’avantage de rester indépendantes des pouvoirs en place, d ’échapper aux tentatives de corruption et d’appliquer leur propre théorie. Cela n’empêchant pas les actions de coordinations entre organismes officiels ou privés sur place.

Pour conserver cette indépendance tout en bénéficiant d’aide publique, l’ONG doit trouver une source de financement privé pour au moins 50% de son budget. Toute la difficulté tient à la pérennité des ressources extérieures, nécessaire pour asseoir une politique de long terme. En l’occurrence, l’idée du raid vient de la recherche d’un évènementiel, permettant d’intéresser une catégorie de la population, les pilotes, qui eux-mêmes amèneront des sponsors.

Le lien avec l’aviation vient de l’utilité de ce moyen de transport en brousse, dans le cadre d’actions d’urgences. Une heure d’avion pouvant équivaloir à des jours de 4x4 pendant la saison des pluies. A l’origine, un petit Cessna appartenait à l’association avant qu’elle ne se concentre sur des actions de long terme. Les pilotes sont bien sûr attirés par l’aventure aéronautique que ce raid représente depuis 10 ans, mais la contribution financière importante demandée par ASI et le coût total de l’opération oblige à une recherche de financement qu’il s’agit d’argumenter.   

Le coût total de l’opération représente entre 150 et 250KF suivant la puissance de l’appareil. En fonction de cette même puissance, on peut être 2 à 4 personnes dans l’avion et donc  partager les frais. La part versée aux ONG présentes dans les pays traversés par le raid via la Fondation de France représente un tiers environ du budget. Cela peut paraître choquant de penser que l’on dépense deux fois plus pour l’évènement lui-même que pour la cause que l’on soutient.

Les justifications de ce raid coûteux tiennent d’abord au fait que s’il n’existait pas, ASI ne bénéficierait plus de ces fonds privés versés chaque année (plus de 1MF en moyenne pour 20 avions). D’autre part, une partie du budget doit être à mon avis prise en charge par les équipages, pour le « plaisir » lié à ce voyage. Enfin, la particularité de l’opération réside en ce que les donateurs ou leurs intermédiaires sont invités à venir se rendre compte, à témoigner au retour de ce qui est fait sur place.

Les échanges d’informations après le raid sont primordiaux, chaque équipage revient avec de quoi écrire un roman sur ce qu’il a vécu ressenti, appris... Cette information, partagée avec les sponsors, les relations, la presse, ne peut que faire partager une certaine image de l’Afrique et du développement. C’est ce qui nous a conduit, il y a deux ans à concevoir un petit livre « découverte » relatant un raid, c’est ce qui me pousse aujourd’hui à rechercher les moyens de faire connaître cette opération dans la presse professionnelle.

Le Burkina Faso et les axes d’aide au développement... l’élevage

Ce pays de 10 Millions d’habitants environ, est agricole à 90% (plus que 3% dans les pays développés). L’urbanisation gagne, cependant : il suffit pour s’en convaincre de survoler OUAGADOUGOU, à quelques années d’intervalle. La ville gagne du terrain et l’aérodrome qui se trouvait à l’écart des zones habitées, est entouré de constructions nouvelles. Dés que l’on s’éloigne des grandes villes, les villages s’étalent sur des surfaces assez grandes, la communication entre les villages n’est pas commode, compte tenu de l’absence ou le mauvais état des infrastructures routières. En créant un lien entre les groupements d’éleveurs, il est possible de les aider à s’organiser, améliorer leurs ressources et encourager les jeunes à prendre la relève.

 

 

 

 

Les groupements d’éleveurs sont des organisations volontaires, à caractère économique et social, dont les membres ont des intérêts communs. Après démonstration de leur capacité de gestion, ces structures peuvent se transformer en coopératives. ASI  a entrepris un programme de soutien dans ce domaine depuis 95. Formation des salariés Burkinabè aux métiers de l’embouche, de façon à conseiller et aider au financement de campagnes de production bovine ou ovine. Cette action passe aussi par une assistance en matière de santé animale et de culture fourragère. L’organisation des ventes, par l’animation de foires commerciales au meilleur moment, en fonction de collectes de données... une véritable étude de marché !

 

Résultats ?

Plutôt que de vendre un bœuf maigre quand un besoin ponctuel d’argent se fait sentir, l’agriculteur préparera une période d’engraissement et de soins qui durera 4 mois, avant de participer avec le groupement à une vente lucrative dans la période la plus propice. Depuis 95 le nombre de têtes est passé de 100 à 200, puis à 300 environ. Toutes les bêtes ont été commercialisées pour un chiffre d’affaire de100KF. 18 ha mis en culture, visant à  l’autosuffisance alimentaire du bétail en évitant une importation coûteuse de pays voisin. 50 tonnes de tourteau, 18 de son ont été ainsi récolté.

Et ensuite ?

Les activités de l’ONG ASI, dans ce secteur comme dans celui de la santé, ont pour objectif de rendre autonomes les structures en place et donc, faire en sorte qu’elles soient de compétences locales. Pour cela, une activité de formation est indispensable auprès des responsables Burkinabè.

Alphabétisation, accès aux données économiques de base pour l’auto promotion comme le besoin en fonds de roulement, des voyages d’études...

 

 

La santé

L’espérance de vie dépasse à peine 50 ans, les jeunes de moins de 15 ans représentent la moitié de la population, mais les décès à la naissance sont de 5 pour 1000 (80 fois plus qu’en France) et la mortalité infantile de 1 pour 100 (elle est quasi nulle en France). Les actions pour l’amélioration de la santé publique sont nombreuses, compte tenu des fléaux qui ravagent l’Afrique. Le sida, contre lequel la seule prévention possible coûte le prix d’un repas et qui pour cette raison progresse de façon exponentielle. Le paludisme, qui peut être mortel et dont le traitement par injection de Quinine provoque parfois des handicaps graves. La polio est moins fréquemment rencontrée, grâce à des campagnes de vaccination. Les accidents de la route, plus fréquents qu’on ne pourrait le penser ou les brûlures…

Les comités de gestion s’organisent pour l’accessibilité universelle aux soins de santé, suivant l’initiative des pays africains prise en 1987 à Bamako. L’idée est que la prise en charge de la santé doit venir en partie de la population elle-même, qui participe, même symboliquement au recouvrement des coûts. La mise en place de pharmacies de brousses ou de centres de santé fait donc l’objet de multiples consultations des représentants de villages, dont les porte-parole se rencontrent sous l’arbre à palabre. Compte tenu des différentes ethnies en présence, les traductions dans plusieurs dialectes prennent du temps mais en Afrique, le consensus est un impératif pour le succès de toute chose et correspond au résultat d’un « désaccord fécond ».    

ASI est active depuis 85 dans ce domaine de la santé ; d’abord de façon curative, compte tenu des situations d’urgences rencontrées, puis par le biais de la formation d’agents de santé à partir de 88 pour la mise en place de l’initiative de Bamako. En 92, animation et appui étaient déjà apportés à plus de 20 villages jusqu’aux limites de la province de la Gnagna, autour de son chef-lieu : Bogandé. Un centre de rééducation et d’appareillage est également créé, avec son atelier de soudure, afin de trouver une solution aux nombreux handicaps rencontrés. Depuis 95, le volet élevage et santé animale est venu compléter le dispositif suivi en 98 par un programme d’appui à l’organisation et à la formation.  

Parmi les progrès à réaliser, un des plus importants est la lutte contre certaines croyances,  qui peuvent freiner le développement des soins de santé ou contester le respect dû aux personnes malades ou handicapées. Par exemple, un enfant handicapé sera véritablement mis au banc de la société. Il est une honte pour la famille qui négligera les soins dont il a besoin, une éducation jugée inutile pour un « sans avenir » et son alimentation, jusqu’à le laisser véritablement mourir de faim. Le handicap de naissance est vécu comme une punition de Dieu, liée au non-respect d’une coutume ou à un quelconque génie malfaisant. Le cas d’un adulte n’est guère plus enviable, doublement condamné par son handicap et par le tradi-praticien qui invoquera le mauvais sort, rendant l’individu suspect aux yeux du reste de la population. Le rôle de l’orthopédiste ou du kiné, formés par ASI, sera de réaliser les prothèses nécessaires à l’autonomie des individus, de pratiquer la rééducation avec les équipements du centre. Il ira aussi en brousse, dans les villages, apporter les soins à domicile, redonner sa place aux handicapés dans leur communauté.

ASI, aujourd’hui

L’organisation ASI au Burkina se compose de 2 volontaires expatriés, 21 salariés burkinabè et 4 personnes à l’atelier de soudure, ce dernier est devenu indépendant financièrement. 1200 personnes sont impliquées dans la gestion des aires de santé et 140 éleveurs font partie des groupements soutenus par ASI, l’atelier orthopédique soigne 100 patients. L’objectif final est que tout financement extérieur devienne inutile, un vaste programme de formation vise à donner l’autonomie nécessaire aux structures appelées à être puremen9t locales à terme. L’accent est mis en priorité sur l’alphabétisation des personnes concernées et le suivi particulier donné aux activités génératrices de revenus : vente de carburant, banques de céréales, d’arachides ou des produits d’élevage...

Les difficultés rencontrées tiennent au caractère durable des opérations, c’est un travail de longue haleine, il n’est pas spectaculaire et nécessite la détermination des volontaires actifs sur place et des structures ASI. C’est une démarche novatrice, en opposition à bien des égards aux errances d’autres formes d’aide au développement qui ont trouvé leurs limites, les populations y sont habituées. L’analphabétisme (10% seulement des enfants sont scolarisés aujourd’hui), les faibles ressourcent financières (le salaire ouvrier est de 12F par jour) ou le manque d’infrastructures (pour le stockage des récoltes par exemple) sont autant de limites matérielles au développement.

Les épidémies de méningite ou de choléra (qui sévit cette année),  les aléas météo (il a beaucoup plu, cette saison après plusieurs années de récoltes médiocres) ou les guerres civiles (comme dans l’ex Zaïre où ASI était également présent), sont des évènements compromettants pour l’efficacité des actions mises en place. 

Les pesanteurs sociologiques (dont les croyances négatives), le manque de motivation pour certains programmes (comme l’intégration des handicapés), ou le peu de disponibilité des femmes (facteurs d’influence pour l’application des programmes de santé) constituent  les principaux freins immatériels aux programmes en cours.        

La Gnagna est une province enclavée et pauvre du Burkina, peu prisée des fonctionnaires. La population y est composée principalement de Goumantchés, mais aussi de Mossi, Peuhls, Bellah, Houssa... Le salaire mensuel ouvrier y est de 250F, mais on peut s’y nourrir pour moins de 2 F, y consulter pour 1F et se soigner pour 5 à 20F. Un vélo représente 3 mois de traitement ouvrier, un bœuf 4 mois, un scooter 3 ans et une maison de trois pièces 10 ans.

Pour un budget de l’ordre de 2 à 3 MF, la moitié viennent de l’union européenne et la coopération française, le tiers du raid et le solde de partenaires privés. Les frais sont pour moitié liés aux personnels et à la logistique, l’autre moitié à l’appui sanitaire, élevage et à la formation. Les frais de siège (structure parisienne) représente moins de 5% du total.

Venir se rendre compte sur place et témoigner.

Découvrir les richesses de l’amitié, le sens de la fête, de l’accueil ; la culture ancestrale préservée et les valeurs de la solidarité en Afrique ; tout cela  n’est possible qu’en venant sur place 

Parole de sage

Dans son livre Parole de Terre (une initiation africaine), Pierre Rabhi exprime bien les notions de l’abondance et du déchet, du pouvoir et de l’insatisfaction, de la mobilisation des ressources et de l’aide humanitaire.

« Dans certains pays riches, 15% du travail humain, de l’énergie et des ressources qu’il mobilise ne sont que pour fabriquer du déchet... si vous ajouter à cela le coût de la gestion du déchet, vous avez toute la mesure de cette ignoble aberration... le petit peuple local ne peut être accusé de ces outrances. Quant aux déchets, ils se résument à quelques détritus que le soleil dessèche et que le vent disperse».

« Bien des peuples se nourrissent de denrées venues de loin et délaissent celles que leur terre peut leur offrir en abondance. Chaque peuple doit apprendre à rétablir le lien avec les richesses issues de son terroir pour sa liberté, s’ouvrir aux richesses des autres peuples et leur prodiguer celles qu’il peut, dans un esprit de grande fraternité entre tous les êtres humains... »

« Le discernement des hommes a créé bien des miracles, mais, au lieu de les libérer, ces miracles les ont enfermés. Leur monde est devenu celui de l’anxiété, de l’insatisfaction et de la violence, à l’encontre de leur espèce, à l’encontre de la terre…  Le toujours plus de l’obsession entretient cette anxiété dont les douloureux stigmates s’affichent parfois sur les visages des nantis, stigmates de l’insatisfaction dans l’abondance… »

« En Afrique, le principe général s’appuie d’abord sur la mobilisation des énergies humaines mais aussi animales… Les ressources constituent une épargne disponible pour répondre à certains besoins bien déterminés : petit équipement collectif, approvisionnement d’une pharmacie villageoise… Reconnaissons le plaisir de vivre et d’agir ensemble. Pas de solitude ou d’insécurité, la solidarité est congénitale et le système social d’abord réciprocité. J’admire encore une fois la capacité de ces gens à accompagner leur difficile survie d’une joyeuse désinvolture... »

« Cela ne veut pas dire que l’idéal est ici, le continent se meurt alors qu’il est sous peuplé et riche de tout. Trop d’indolence, de corruption et de tyrans sans scrupules… de ne rien avoir géré avec humanisme, il faut à présent de l’humanitaire… »

Pierre Rabhi, m’a donné avec son ouvrage, les mots qui manquent lorsque l’on passe trop vite sur un sujet aussi délicat. Il a fondé toute sa philosophie de vie ainsi que son travail de mise en valeur des régions arides et des cultures traditionnelles sur l’ardente passion qu’il voue à la terre.

Comme la lecture d’auteurs africains (Amadou Hampâté Bâ) ou l’écoute de personnes d’expérience (paysans sans frontières), un tel voyage passe par une préparation initiatique, pour mieux comprendre ce qui est ensuite ressenti sur place.

Mes leçons d’Afrique

« En Afrique c’est comme en physique, rien ne se perd tout se transforme. Les restes sont récupérés et recyclés. Quant aux restes des restes, ils sont jetés au gré du vent… »

C’est ce que nous écrivions en 96 dans notre récit d’un équipage, cela rejoint la description qu’en fait Pierre Rabhi, même si les quelques résidus qui nous sont visibles ne remplissent pas des décharges organisées, ce qui paradoxalement peut heurter nos sensibilités écolo…

Beaucoup d’objets de la vie courante ou de réparations mécaniques sont issus d’aluminium de récupération, de même les objets d’art comme les magnifiques bronzes de Ouagadougou proviennent de fil de cuivre et l’étain recyclé coulé dans un moule dont la cire sera réutilisée.

Les affaires et le marché sont au centre de la vie africaine. On y trouve de tout et surtout des commerçants infatigables, capables de vous suivre des heures, pour vous vendre leurs produits.

Nous étions les premiers blancs sur le marché de Ouaga en ce samedi d’octobre 98 depuis des semaines ; la nouvelle s’est vite répandue et nous nous sommes trouvés harcelés par une foule compacte et déterminée. Malgré une sensation d’oppression assez légitime, nous comprenons le besoin vital qu’ont tous les marchands de vendre. Il leur faut se sentir encouragés, pour que la journée puisse commencer sous un bon signe du destin.

Le jeu est omniprésent, sous toutes les formes. Les jouets sont souvent confectionnés à partir de fils de fer ou de tôles, qui deviennent des modèles réduits de vélos, motos ou voitures saisissant de réalisme. Avec quelques cailloux, il est possible de réaliser un jeu célèbre dans toute l’Afrique, l’Awalé, dont le but symbolise la préoccupation quotidienne et l’altruisme de nombreux peuples : semer et récolter pour se nourrir sans pour autant affamer son voisin ! 

L’hôpital ne ressemble en rien à de grands ensembles ou la solitude est le plus grand mal dont souffrent les patients. L’absence de cuisine collective est à l’origine de cette impression d’humanité, car les familles prennent en charge leur malade, en lui apportant le réconfort d’une présence et la nourriture préparée sur le foyer au centre de la place.  

L’accueil a quelque chose de magique, la population entière se mobilise, vous accompagne jusqu’au village : aux mains tendues, aux « youyous » et aux expressions de bienvenue.

Le vieux nous reçoit et sa parole de sagesse est traduite du dialecte local : « mon cœur est rempli d’émotion car vous venez de si loin pour faire honneur à mon village. Je n’ai pas de mots pour décrire la joie qui m’habite ». Le cadeau qui accompagne rituellement ces échanges est parfois symbolique pour celui qui le reçoit, toujours de grande valeur pour la population qui l’offre et ne doit jamais se refuser. Du repas préparé en l’honneur des visiteurs et que le village entier partagera avec nous, à l’animal vivant que nous emporterons sur le toit du véhicule, en passant par le costume traditionnel... tout revêt une  grande force émotionnelle pour tous.  

Pour conclure, en réponse à notre question sur leur vision de l’Europe, nos amis savent que la vie est dure chez nous : « Il paraît que vous payez beaucoup d’impôts mais que vous ne vous parlez pas entre voisins. Chez nous, le problème de ton voisin, c’est ton problème ! »


Conclusion

Quel enseignement peut-on tirer du parcours initiatique que nous relatent Hasna et Cédric ?

Comme tous ceux qui ont eu la chance de voyager authentique et utile, ils voient la vie différemment. Ce que je relève dans les récits d'Hasna et Cédric :

Le sens de l'accueil sincère "Bonne arrivée" et une philosophie de la vie positive "il n'y a pas de problème".

La gêne que soulève le manque apparent d'hygiène "l'Africain est plus résistant". La hiérarchie du don "on ne sait pas comment donner équitablement". Le sentiment de culpabilité vis-à-vis des prises de vue "agression ou échange ?". Le lourd protocole "résurgence du colonialisme ?"

L'admiration que suscite le temps dilaté "nonchalance n'est pas lenteur". La religiosité festive et enthousiaste ou "le leader charismatique manie les concepts". Avec rien ils font beaucoup, même les bébés ne se plaignent pas, une philosophie du partage plutôt que de gagner toujours plus individuellement.

Je souhaite poursuivre cette action sous une autre forme. Il y a bien d’autres associations humanitaires qui méritent que l’on s’y intéresse, et des avions de ligne qui permettent de se rendre sur place de façon plus rapide et économique. L’idée d’associer les jeunes de nos cités, l’économie locale et les acteurs de la solidarité internationale reste très vivante à mon esprit, je militerais pour leur rapprochement dans l’avenir.  


Le Burkina Faso vu par Hasna

Enfin, le jour J est là. Je suis toute heureuse et excitée à l’idée de découvrir l’Afrique noire, plus exactement le Burkina Faso. La veille, je prépare mon sac, je réfléchis à ce que je dois emmener, ce n’est pas évident, je suis donc les conseils de Marie-Anne (vice-présidente d’action de solidarité internationale).

Départ pour l’aéroport avec malgré tout une angoisse de l’inconnu. Après huit heures de vol, dont une heure d’escale au Mali, nous voilà arrivés à Ouagadougou capitale de notre pays d’accueil. OH ! là là ! grand accueil à l’aéroport, nous avons été immédiatement déchargés de nos sacs, des hommes étaient là pour nous les transporter, pas dans des caddys comme en France mais dans leurs bras. Ceci n’est qu’une première impression des chaleureux Burkinabè qui nous attendront partout où nous irons durant ces prochains dix jours, évidemment je ne le sais pas encore. Ah comment puis-je oublier le "bonne arrivée" ? Ajoutez-y l’accent et le sourire sincère, tout est déjà complètement différent.

En route pour l'hôtel, nous, dans une petite camionnette avec Félix notre chauffeur et nos bagages dans un 4x4 avec Michel (autre chauffeur) et Harouna (notre excellent cuisinier), pas très loin de l’aéroport. Nous-nous y installons puis arrive vite l’heure du dîner. Dîner durant lequel je fais davantage connaissance avec le reste du groupe. Après ce festin, première balade dans les rues bitumées d’Afrique. C’est dimanche, il n’y a personne, il paraît que les habitants se reposent car samedi soir ils ont fait la fête et lundi reprennent le boulot.

Mais j’observe, j’observe des choses qui me paraissent étrange. Des choses telles qu’une librairie qui doit faire à peine dix mètres carrés et construite en tôle, on n’imagine pas cela en France.

Dès le lendemain, nous prenons la route pour Bogandé, ville qui se trouve dans la région Sahalienne de la province de la Gnagna qui a été pendant longtemps abandonnée et laissée à la désertification. Là bas se trouvent les bureaux d’A.S.I. Burkina ainsi que les C.S.P.S (centre de santé et de promotion sociale) et le C.R.A.H.B. (centre de rééducation et d’adaptation des handicapés de Bogandé).

Sur la route je découvre un magnifique paysage ; la savane : de vastes terrains pleins de différentes espèces d’arbres. Le plus imposant de tous, par sa grandeur, est le baobab. Les villages exceptionnels sont faits de maisons éloignées les unes des autres nommées concessions, elles sont divisées en cases. Ces dernières sont construites avec des briques de boue des marigots asséchés. Dans chaque case vit un des enfants avec sa petite famille ou l’une des femmes du mari polygame avec ses enfants ; ces demeures s’agrandissent au fur et à mesure. Les terrains autour d’elles n’appartiennent pas à une famille ou à l’autre, ils ne sont pas délimités ; la notion de propriété telle que nous l’entendons ici est incompréhensive là-bas, ils ont plutôt la notion de communauté.

 

 

 

Sur la route nous nous arrêtons à Mongtédo ; le village aux belles carottes et aux beaux oignons. Nous sommes assaillis d’enfants, filles et garçons ; ces premières avaient des plateaux sur la tête pleins de ses magnifiques légumes, évidemment ils étaient à vendre. Les filles se sont rapprochées de nous dans cet espoir. Mais que faire de carottes et d’oignons ? Nous n’en avons pas acheté par contre sur d’autres plats se trouvaient des petits morceaux de poissons séchés ; chose que je n’avais jamais goûté. J’en demande le coût : cinq cent francs C.F.A. ce qui équivaut à cinq francs français, je n’ai pas de monnaie je lui en donne donc mille. J’aurais enrichi la vendeuse d’après Pietro, l’un des membres du groupe qui connaît bien ce continent. Peu importe, moi, cela ne me ruine pas et ce poisson était bon, il avait l’air frit.

Toute excitée par cette cohue et envahie par le désir de marquer ce moment à vie tant pour la beauté des couleurs que par ce nouveau contact, j’ai sorti mes appareils photos et j’ai mitraillé ; eh oui ! c’est le cas de le dire. J’ai vite regretté cet horrible geste. Comment puis-je me permettre ? Je ne les connaissais absolument pas, je n’avais pas le droit, ils n’étaient pas des monuments historiques mais des personnes…, des personnes exceptionnelles dont on a tant à apprendre. J’ai été prise par un sentiment d’écœurement personnel, je n’étais franchement pas fière de moi.

La route continue. Nouvel arrêt à Bilanga car un couple du groupe, Véronique et Dominique, avaient, il y a quelques années sympathisé avec l’infirmier de ce village. Il les avait invités à son mariage mais tous deux n’avaient pas pu s’y rendre, ils ont donc profité de l’occasion pour lui remettre son cadeau. Mon sentiment d’immense curiosité se développe davantage et me mettra pour la première fois en face de cette dure réalité. Un dispensaire existe ici et je souhaite le visiter, on m’y invite « sans problème ».

 

Je suis aide-soignante, je travaille dans un hôpital, plus précisément en chirurgie ; j’avoue avoir été bouleversée par ce que j’ai vu ou par ce que je n’ai pas vu : une salle de pansement avec rien, si, un chariot sur lequel était posée une boite de pinces ouverte et exposée à la poussière, une salle de rangement à matériel avec rien à l’intérieur et une chambre de malade avec rien, si, juste trois lits dans un piteux état.e Je suis sortie complètement choquée. Je n’avais jamais aussi bien réalisé mais, après avoir discuté avec Marie-Anne j’ai compris que ce rien pour moi était tellement pour eux et qu’avec ce rien ils faisaient beaucoup.

Avant tous ces évènements nous nous sommes arrêtés au milieu de nul part pour déjeuner à l’ombre sous un manguier : « l’arbre climatisé », installés sur des tapis notre repas était présenté dans des bassines ; il parait que nous sommes au pays des bassines. En dessert nous avons mangé des mangues ; mmh ! comme elles étaient bonnes.

La route continue. Nous traversons Manni et je suis impressionnée par cette verdoyance ; après cette continuité de sécheresse voici un forage d’eau et des potagers ? Ce village est bien la preuve que, là où se trouve l’eau se trouve la vie.

Ces cinq heures de route nous ont fatigué et harassé mais le chaleureux accueil de l’équipe d’A.S.I. Burkina nous revitalise. Cette dernière nous offre du bisap : un liquide rouge dont les ingrédients ne sont qu'eau, oseille et sucre ; cette boisson était excellente et rafraîchissante. Nous voilà repartis peu après pour rencontrer les autorités très protocolaires mais fort sympathiques et pleines d’humour.  Pour la soirée un dîner africain est organisé en notre honneur, je fais donc, davantage connaissance avec ces personnes et je dévore les paroles des deux dernières expatriées, Isabelle et Alexandra, leurs expériences respectives me fascinent.

Nous sommes logés au cœur du village dans ce que l’on nomme la rotonde, un bâtiment en dur avec de modestes salles de bains, une pour deux chambres (simples aussi). Nous sommes heureux de pouvoir nous y installer et surtout de nous doucher, avant de savoir que l’eau était froide, tellement froide que j’ai dû supporter les cris de Cédric à chacun de ses passages. Ce soir là tout le monde se couche ; je ne le sais pas encore mais désormais les jours passeront très vite.

Le mercredi 21, nous nous déplaçons en direction de Gorom-Gorom ville du sahel qui se situe quasiment au Nord du Burkina. Nous faisons une escale à Bani, magnifique ville musulmane, ville aux sept mosquées. La première, la plus grande, est tournée vers l’ouest comme toute autre au monde mais les six petites qui l’encerclent sont face à elle ; en fait, il n’en existe plus que trois, les quatre dernières sont tombées à cause de la fragilité des briques de boue. La grande m’interpelle beaucoup car elle est différente de toutes celles que j’ai vues jusqu’à maintenant ; elle est juste sculptée sur ses façades, ses murs sont identiques aux cases et son sol n’est que sable.

 

 

 

Ce même jour, nous déjeunons dans un genre de bar à Dori. Les propriétaires ne voient aucune objection à ce que nous nous y installions avec notre repas préparé par Harouna mais nous consommons quand même de la boisson, peu variée (coca, fanta et bière). Des vendeurs externes profitent de notre présence pour vendre leurs marchandises. Je ne peux que craquer sur ce sac en cuir bourré de défauts qui font son charme (aujourd’hui, je ne le quitte plus) et sur une chéchia verte qui me protègera du soleil lors de nos escapades et de la poussière dans notre camionnette dont la climatisation à rendu l’âme.

Dans ce village nous rencontrons, comme dans beaucoup d’autres, qui nous appellent de tout les côtés : Hé ! les blancs, Hé ! les toubabs (ajoutez-y l’accent). Nombreux sont ceux qui nous entourent et nous suivent, certains ont énormément à raconter ; ils nous parlent de leur cinéma qui ne fonctionne plus, de leur future mosquée…, tout en cirant les chaussures de Cédric qui seront très vite repoussiérées, nous en sommes conscients mais peu importe, le principal est d’être en contact direct avec eux.

Je me souviendrais toujours de Dori, d’abord parce que j’y ai passé de bons moments et en plus car je suis revenue en France avec très peu de photos en noir et blanc (mon hobby est de les tirer en laboratoire). L’appareil photos est tombé dans une des latrines, vous savez ces fameuses toilettes turques qui n’en sont pas d’ailleurs, ce sont des trous de deux ou trois mètres de profondeur.

Nous poursuivons notre chemin sur des routes non bitumées en direction de Gorom-Gorom. Nous y arrivons en début de soirée, nous sommes logés chez une expatriée allemande ; logés en bivouac dans sa cour où plusieurs animaux dominent : des tortues, un chien, un paon, une biche, des chats.

Nous allons nous balader et nous tombons sur cette petite montagne qui nous intrigue, nous grimpons, nous grimpons. La vue est agréable d’en haut par contre la descente l’est moins, c’est une véritable angoisse. Je ne suis absolument pas sportive, heureusement les enfants sont là et me prennent en main ; en voilà un qui me débarrasse de l’appareil et un autre qui me guide. Ouf, je suis enfin en bas.

Ce soir là nous nous restaurons autour de tables basses éclairées par une lampe de poche. Une fois fini, nous l’éteignons et conversons longuement sous un ciel étoilé, un ciel que nous ne verrons jamais ici. Nous en profitons pour nous doucher à tour de rôle avec le même éclairage, les bouteilles d’eau nous servent de poires de douche et les latrines de salles de bains.

Le lendemain nous avons décidé de faire du chameau. Un de nos chameliers, Lasso (« pas celui du cowboy »), nous présente ses bêtes, "ce chameau porte un nom français, Daniel. Pas facile à conduire un chameau mais petit à petit tout va mieux, il suffit de suivre le mouvement de ses hanches.

Ensuite est prévu la visite du marché de Gorom-Gorom, l’un des plus grands et intéressants du sahel. Les commerçants viennent de partout à vélo, à dos d’âne ou à pied. Ils parcourent des kilomètres et des kilomètres pour s’y rendre. Sur ce marché on trouve d’abord le parking à ânes puis divers étalages : à boire, à manger, des vêtements traditionnels, des bijoux en faux argent, des calebasses, du tabac à chiquer, etc.

J’en profite pour faire mes achats souvenir et mes cadeaux sous les conseils de Lasso qui me guide toujours et me sert d’interprète. Chaque achat entraîne un marchandage : un jeu sérieux. Ils grossissent les prix, les multiplient par trois, quatre, cinq ou plus ; le but est, pour nous de négocier au mieux, pour eux de récupérer un maximum d’argent. Le moment décisif est celui où les mains se serrent, ce moment nous appartient : dix francs ne nous empêcherons pas de vivre mais feront un gros plus dans leurs porte-monnaie

Les courses terminées, Lasso me raccompagne et me propose de revenir au réveillon de la nouvelle année « pour participer aux balades de nuit groupées à dos de chameau sur les dunes de sable ». J’ai appris par la suite que cette proposition était souvent faite pour courtiser les femmes.

Le vendredi 23, une demi-journée est réservée à Marcel ; un homme d’environ quatre-vingt ans qui a découvert l’Afrique que depuis très peu de temps. Il a financé un projet de construction de forage dans un village nomme Wourmoula. Pour atteindre ce dernier, au cœur de nulle part il a fallut rouler des heures et des heures entières sur des passages chaotiques entourés d’arbres. Le chauffeur roule, roule, tourne à droite, à gauche, encore à droite, encore, à gauche. Il n’utilise aucune indication, il n’y a pas de panneau. Peut-être qu’il compte les arbres ? Non ! non pas du tout l’habitude dit-il. Les Burkinabè ont leur sens de l’orientation drôlement plus développé que le nôtre.

Fatiguée par ce long trajet, je me laisse bercer par la musique dans le véhicule quand tout à coup elle se trouve mêlée à un bruit de tam-tam. Incroyable, les villageois attendaient notre arrivée un peu avant l’entrée de Wourmoula : danseurs, tamtameurs, hommes, femmes et enfants nous ont escortés à pieds avec de la musique et des danses locales. Je ne sais toujours pas exprimer le sentiment éprouvé à cet instant, émerveillement, enchantement, ravissement, c’était trop, beaucoup trop pour nous. Nous, des personnes pas plus différentes que toute autre en France, nous étions accueillis comme des rois. Les habitants nous ont salués chacun à leur tour ; je ne sais absolument pas combien de mains j’ai serrées ni à qui elles appartenaient par contre j’ai vu des visages, beaucoup de visages. Ces visages exprimaient tant de choses : joie, admiration, étonnement…

Nous avons été installés sous une tente de paille et de bois et sur des chaises basses en bois elles aussi. On nous offre la fameuse eau de bienvenue, l’eau de mil qu’il ne faut surtout pas refuser se serait un véritable affront Malheureusement. La crainte d’attraper une pathologie quelconque – en particulier la maladie de vers, celle dont nous avons tant entendu parler – est présente. Pour ne pas vexer nous faisons semblant de boire, nous trempons uniquement nos lèvres à même la calebasse qui passe vite au voisin.

La suite est faite de discours et de remerciements entrecoupés par de la musique, des danses, des chants, et des you-yous. Les musiciens n’utilisaient que des jambés et une calebasse. Une cantatrice chantait ou plutôt racontait des histoires réelles qui font souvent hérisser les poils tant elles emplissent d’émotion la personne concernée. Ce jour là, c’est pour Marcel, elle explique la chance que le village a de pouvoir bénéficier d’un forage, le bien qu’il fait sur le plan de la santé, finie l’eau des marécages (l’eau tueuse). Tout est traduit à Marcel qui ne comprend pas tout ce mérite et toute l’importance qu’on lui accorde. Il ne réalise pas qu’il sauve des milliers de vies avec ce financement de forage.

Finit ces discours qui s’éternisent un peu et destination le chef-d’œuvre pour son inauguration. Marcel coupe le ruban, et chacun à notre tour nous buvons de cette eau, agréablement fraîche par ce temps si chaud et oui le soleil est là et tape en permanence sur la tête.

Arrive l’heure du repas, évidemment il nous est offert. Je ne saurais plus nommer le plat mais je me souviens que c’était une sauce verte et visqueuse et des morceaux de poulet, toute l’anatomie y était : celle dont nous avons l’habitude accompagnée de la tête et des pattes. J’avoue ne pas avoir été attirée par ce festin, je le laisse aux autres et me contente de ce qu’avait préparé Harouna.

A la fin des festivités nous repartons avec une chèvre offerte à Marcel un peu encombrante pour nous mais qui vaut une fortune pour les Wourmoulais. Ce présent voulait dire merci beaucoup, c’est exemple supplémentaire de la véritable générosité des Burkinabè.

 

Dans l’après midi, nous sommes attendus à Koguina. Un décès est survenu dans ce village mais les habitants nous accueillent comme ils savent si bien le faire : danses et sketchs humoristiques sont aux rendez-vous. Ils s’excusent malgré tout de l’imperfection imperceptible. Puis nous sommes dirigés vers le centre d’alphabétisation : l’unique salle de classe est une tente de paille avec un tableau, ils sont installés au sol pour étudier.

Là-bas l’école est considérée comme une contrainte pour les parents ; ils n’y voient aucune utilité : la participation financière (pour les tabliers et le matériel nécessaire) et l’enfant qui ne travaille pas pendant ce temps.

Les dirigeants ont trouvé deux solutions à ce problème. La première est d’initier les parents en cinquante jours de scolarité et la seconde est de leur apporter en contrepartie des rentes alimentaires.

Le samedi 24, encore une journée où nous nous levons tôt, six heures trente, pour nous rendre à Dipienga. Sur place nous visitons des salles de classe un dispensaire et une pharmacie de brousse. Elle est conçue de deux pièces, la première est la boutique et la seconde est la réserve. Les malades s’y rendent pour avoir leurs médicaments, ils se doivent de participer à moindre coût. Pour ne pas douter de la confiance des pharmaciens tous les prix sont affichés.

Dans le dispensaire il y a une maternité, nous rencontrons une femme qui est à son neuvième mois de grossesse. Elle patiente dans une salle au sol sur un tapis près de sa table d’accouchement qui équivaut à un simple brancard sans roue, dessous un bassin à commissions attend son utilisation.

Une accoucheuse de cambrousse et un infirmier entourent cette future maman. Cette première participe communautairement et est là en formation car autrefois elle exerçait sans réelle compétence professionnelle, l’infirmier d’état lui apprend à se remettre en question et à travailler avec des méthodes plus adéquates. La présence de cette femme met toutes les mamans en confiance et les incite à venir au C.S.P.S. ; les habitudes du village ne sont pas changées du jour au lendemain. La deuxième pièce est destinée aux consultations : on y trouve une simple table qui sert de bureau, une balance de bébés, un pèse–personne, un stylo et un cahier où tout est noté en manuscrit. La troisième et dernière pièce accueille les nouvelles mamans et leurs nouveau-nés. Comme partout, elles ne craignent pas de tendre leurs bébés pour un petit câlin ; je me retrouve donc avec trois petits bouts dans mes bras qui me paraissent si fragiles ; j’ose à peine bouger par peur de leur faire mal.

Dans l’après midi, visite de Dinhalaye, autre village musulman. Nous faisons le tour du centre d’alphabétisation, les bâtiments toujours en dur sont très espacés. Nous-nous rendons de l’un à l’autre en camion, les enfants qui refusent notre séparation entre deux points nous suivent en courant, s’accrochent aux 4x4. Je crains la chute mais aucun ne sera à ramasser, ils courent, courent, retirent leurs modestes tongues et courent, courent pieds nus comme des félins, les dos se cambrent et les jambes s’élancent en avant vite, très vite et arrivent moins essoufflés que nous ne l’aurions été.

Le centre de Dinhalaye est magnifique les maisons sont collées comme nulle part ailleurs, les ruelles sont étroites et les femmes sont très belles, elles sont vêtues de vêtements très colorés et portent beaucoup de bijoux. Nous sommes invités à rencontrer l’Imam ; cet homme me donne l’effet d’un sage, assis au sol sur un tapis, adossé à un mur, la tête baissée, et vêtu d’un linge blanc qui nous éblouit avec le contraste de sa couleur de peau. Il nous parle tout bas, il est difficile d’ouïr sa voix à cause de son timbre bas et de la population qui nous entoure. Ce personnage m’a beaucoup marquée !

Nous repartons escortés par ces mêmes enfants qui courent jusqu’à épuisement et par des cyclistes qui venaient des villages voisins, ils avaient, roulés, roulés. Pour le retour nous prenons la même direction que quelques-uns uns, nous les avons déposés à une intersection qui ne m’était pas évidente. Sur la route, nous profitons d’un coucher de soleil avant la tombée de la nuit. La nuit non éclairée, nous sommes perdues, les véhicules précédents sont loin devant mais le chauffeur retrouve son chemin grâce aux légères traces de pneus.

Nous avons rendez-vous ce soir au maquis pour nous amuser, une boite de nuit à cinq cent mètres des bureaux d’A.S.I. Ce cours trajet nécessitait les lampes de poches. Cette boite de nuit en plein air possède une piste de danse en ciment sur lequel les dessous de semelles frottent le sable, ce frut frut est presque aussi intense que la musique. Ce soir là, Cédric est invité à danser par un homme, ceci nous a bien fait rire mais chez eux c’est tout à fait normal. Les hommes sont très proches, ils se promènent dans la rue en se prenant la main.

A minuit, coupure de musique, de lumière, donc d’électricité (norme locale), heureusement c’est une soirée exceptionnelle le propriétaire prévoit le groupe (d’abord nous pensions à un groupe de musiciens qui jouerait dans le noir, mais non), le groupe électrogène. OUF ! La musique reprend après dix minutes d’obscurité. La soirée se déroule à merveille quand des policiers entrent pour contrôler. Près de nous un jeune homme saoul est affalé sur une table et dort. L’un des fonctionnaires le réveille et d’une nette autorité lui dit « levez-vous je vous parle », le jeune s’exécute et l’homme en uniforme le guide vers la sortie. Une connaissance nous fait savoir qu’il sera tout simplement raccompagné chez lui, en boite on danse, on ne dort pas.

Dimanche 25, jour du seigneur, nous nous rendons tôt le matin à Mani pour participer à la messe de huit heures. Lorsque nous arrivons il y a peu de monde mais peu à peu la salle s’emplit, s’emplit tellement quelle déborde. Beaucoup de monde s’installe sur les marches à l’entrée, à l’arrière et aux fenêtres. La messe à Mani c’est la fête, le curé sourit, plaisante et son public participe pleinement en chantant, en accompagnant les chœurs et leurs musiciens.

La messe terminée le curé parle de notre présence et nous remercie. A la sortie de l’église c’est encore la fête, la population reste réunie et des jeunes dansent pour nous, pour nous remercier de nouveau. Petit à petit, les gens repartent, la foule s’estompe, l’église ce vide jusqu’au dimanche suivant.

Dans l’après midi destination Liptougou, pour visiter un autre C.S.P.S. Nous ne savions pas qu’une surprise nous attendait, les masques, les masques que nous n’espérions plus voir à la fin de notre séjour. Des hommes vêtus d’immenses costumes poilus dansaient au rythme des jambés. La fête, la mort, la naissance justifie le choix des masques. Pour nous c’est évidemment la fête. Le spectacle est entrecoupé de discours dont celui du chef qui a cinq femmes et quinze enfants.

Avant notre agréable surprise, l’école coranique du village nous offre des citations de versets du Coran ; les enfants disciplinés sont rangés deux par deux à la queue leu-leu et récitent en chantant ; ils ont comme chef d’orchestre leur instituteur.

Retour au bureau pour participer à un repas en commun et à une soirée culturelle. Nous mangeons la chèvre de Marcel tout en admirant les trembleuses dansées, elles bougent tout leur corps  sur un rythme de plus en plus rapide, elles sont jeunes (l’aînée à quatorze ans, la cadette a six ans) et souples. Une souplesse rarement vue chez les Français.

Cette soirée est à la fois agréable et triste car c’est la dernière au sein de nos nouveaux amis. Tout en jouissant du plaisir qu’elles procurent nous prenons nos dernières photos et nous échangeons nos adresses dans l’espoir de correspondre dans le futur.

Lundi 26, je prends mon dernier petit déjeuner assez rapidement car Henriette (l’épouse du gardien) souhaite me montrer sa demeure avant mon départ… C’est fait et elle est fière de m’y avoir invitée. Je luis fais mes adieux, mais elle ne me laissera pas partir sans m’offrir deux sachets de cacahuètes qu’elle devrait vendre sur son stand devant sa maison. Avant notre départ pour notre départ définitif pour Ouaga, nous passons dire au revoir aux autorités.

La route me semble plus longue qu’à l’allée, visiblement Félix s’est trompé, peut importe je dévore les paysages qui tout d’un coup disparaît lorsque nous arrivons à Ouaga ; cette capitale que nous avions quittée pour Bogandé. Nous sommes logés dans l’annexe de notre premier hôtel mais il me semble luxueux. Je profite de la salle de bain et de l’eau chaude, je prends soin de mes cheveux et je n’ai plus à supporter les cris de Cédric. Même si je regrette déjà notre séjour à la retombe, j’apprécie ce plus.

Dîner en ville dans un restaurant catholique, les serveuses sont des sœurs, elles coupent notre repas pour des chants religieux, je n’en revenais pas. Au Burkina Dieu entoure toute la population, on ne peut être que croyant.

Pour profiter davantage du pays nous finissons notre soirée en boite, le cadre est identique à celui du maquis sauf qu’ici nous sommes dans la capitale et qu’il n’y a pas de coupure d’électricité à minuit. Le trajet jusqu'à cette boite nous l’avons fait debout à l’arrière du 4x4 d’Isabelle, les cheveux au vent, nous croisons la police mais elle ne nous dit rien, ici cela ne gène pas.

Mardi 27 au matin, je fais ma dernière balade et mes derniers achats au marché artisanal et au marché couvert et avec Diane (membre du groupe). Le jeu reprend nous marchandons, marchandons. Nous rencontrons des gens qui nous appellent de tous les côtés pour faire de nous leurs clientes mais aussi des personnes qui ne veulent que discuter, échanger des idées comme ils disent. Un jeune me montre tout naturellement des photos et m’explique ce qu’il est dessus mais malheureusement le temps presse, nous prenons l’avion dans la soirée et les bagages ne sont pas complètement bouclés, dommage dit-il et me souhaite une bonne traversée.

Le soir à l’aéroport une partie de l’équipe d’A.S.I était là pour nous souhaiter, elle aussi, une bonne traversée et un bon retour chez nous. Ces aux revoirs seront les derniers. Nous embarquons pour le vol retour, mais l’avion d’Air France tombe en panne et Air Afrique est en grève, l’heure d’escale à Bamako se transforme en une journée, nous ne sommes pas mécontents de passer 24 heures de plus en cette capitale malienne dans un hôtel de luxe, au soleil. Le taxi que nous prenons pour retourner à l’aéroport tombe en panne lui aussi, angoisse, nous allons rater l’avion, nous en prenons un autre qui nous provoque le même sentiment de la même façon, OUF ! Il redémarre. J’avoue après ces évènements répétitifs que je suis heureuse de m’envoler vers le froid.


Pour conclure mes anecdotes

Lors de nos recherches de nos sponsors pendant toute l’année 2000, je savais que le but était l’Afrique mais quelle Afrique ? L’Afrique des bouquins, des articles, des reportages, des dires. NON L’Afrique que j’ai vue de mes yeux, l’Afrique dans laquelle je me suis promenée, l’Afrique aux gens formidable. Bref, mon Afrique. On ne peut pas comprendre l’Afrique de l’autre côté de la mer, il faut s’y rendre pour la saisir et y retourner pour saisir davantage (car une expédition apporte beaucoup mais me semble insuffisante).

« Nicolas, j’ai lu « impressions d’Afrique » et « Journal d’un équipage » avant ce séjour mais aussi après, bizarrement ces ouvrages me paraissaient autres. Ce que j’ai lu après je l’ai vécu en partie, je comprenais : j’avais le paysage, les odeurs, le soleil, les visages souriants en tête. Merci à toi ».

Pour conclure définitivement, je remercie tous les Burkinabè qui nous ont accueillis souris, et qui ont posé pour nos photos. Je les remercie sincèrement pour ce qu’ils m’ont apporté tant sur le plan personnel que sur le plan professionnel ; ma vision de l’hygiène diffère, les titilleries concernant certains points s’estompent. Tout est autre on s’interroge et on comprend.

J’ai compris, vous n’avez rien mais vous avez tout, tout ce que nous habitant de l’Europe ne connaissons ou ignorons volontairement à cause du matériel. De retour en France, je retrouvais les gens coincés, peu souriants et mal aimable mais malheureusement on se remet vite dans le système : le stress, l’angoisse inexpliquée et inutile. A cause de ces horribles sentiments, pour m’enrichir davantage et pour aider cette population, l’Afrique me reverra même si ce n’est pas le Burkina.

Les riches continents ont réduit à l’esclavage cette belle population et leur ont tant volé mais n’ont pas su en tirer le meilleur. Aidez-la sur le plan matériel, en contre partie vous en tirerez de la joie dans le malheur, de la bonté, de la gentillesse.

Croyez-moi !

                                                                         Bisous d’Afrique


Notre trajet au Burkina Faso

Vous pouvez situer sur cette carte nos 3 destinations principales : Ouagadougou, Gorom Gorom, Bogandé et toute la région de la Gnagna


Dimanche 18 février 2001 – Le départ

C'est enfin le jour du grand départ... Marseille - Paris puis Paris - Ouagadougou en passant par Bamako (capitale du Mali - 1h). "Bonne arrivée !" nous crient quelques enfants. Les porteurs nous assaillent et nous demandent les journaux qu'on aurait lus. Félix, notre chauffeur, nous accueille, et nous emmène à l'hôtel Palm Beach dans un minibus d'Ok Raid[1]. L'hôtel est très luxueux (air conditionné, piscine...), mais nous n'y restons que pour poser les bagages et manger libanais : vite, découvrir le Burkina Faso !

 

 

Ouagadougou semble très petite pour une capitale (c'est en fait un "gros village" de 500.000 habitants). Mais le soir, il n'y a personne dans les rues, sûrement parce qu'on est dimanche nous explique Isabelle, expatriée chez ASI depuis plusieurs années.

Nous rentrons donc bredouilles, mais bien assurés qu'on est en Afrique Occidentale : il fait très chaud (environ 30°C) et bien que certaines rues soient bitumées et qu'il y ait quelques grands édifices (comme la cathédrale), on ressent la pauvreté. Mais c'est le sourire des "hommes intègres" qu'on retient avant tout.

Lundi 19 février 2001 – Départ pour Bogandé

La route bitumée nous emmène de village en village. Nous sommes 12 dans le minibus avec Félix au volant. Derrière nous, Arouna et Michel nous suivent dans le 4x4 avec nos bagages et les matelas sur le toit. De temps en temps, nous traversons un village où les enfants accourent pour nous vendre des carottes ou des oignons. C'est assez impressionnant de les voir tous arriver, et on se sent un peu honteux d'avoir autant et de ne rien leur donner.

Dehors, les Baobabs, les manguiers, et la sécheresse me dépaysent complètement. Le temps du trajet, je me sens explorateur, je vais en terres inconnues pour enfin rencontrer un peuple que je n’ai pu admirer jusqu’alors par procuration… C’est une grande excitation en fait.

 

Pourtant, dans le premier village dans lequel je suis descendu avec mon appareil photo, j'avais l'impression d'être un japonais en Safari, et je n'osais pas prendre de photo. Parce que ces pauvres bougres sont les premiers avec qui je suis entré en contact, et surtout parce qu’en fait il ne s’agit pas là d’un véritable contact. De temps en temps, nous voyons des cyclistes passer, ils font une vingtaine de kilomètres (dont une dizaine chargés) sous une chaleur hallucinante (36°C à l'ombre). Le Burkina est le pays du vélo (il y a là-bas une usine de vélos Peugeot : le Burkina est célèbre pour ses cyclistes). Après un déjeuner sous un énorme manguier (un "arbre climatisé" choisi par notre chauffeur Félix au "ventre baobab") où passent des vaches guidées par des enfants, nous quittons le goudron, et c'est parti pour l'Afrique, la vraie, sur les pistes de latérite.

 

 

On visite en passant un dispensaire financé par ASI, qui impressionne Alix, Hasna et moi qui venons pour la première fois en Afrique. Les conditions sanitaires effraient Hasna qui est aide-soignante, et l'hygiène semble inexistante. Pourtant, Marie-Anne nous assure que les Africains sont tellement résistants qu'ils peuvent être soignés sans eau ni savon. Et que des progrès incroyables ont été faits en 10 ans. Cette pauvreté qui nous choque au premier abord ne gêne aucunement les burkinabè qui sont satisfaits quoi qu'il arrive : « il n’y a pas de problème ». Mais je ne comprenais pas encore leur philosophie, leur approche de la vie tellement différente de la nôtre, et qui m’a tellement plue.

 

 

 

Arrivée à Bogandé : nous visitons les autorités, qui sont très protocolaires sans perdre leur sens de l'humour et de la dérision. On nous sert le soir un poulet aux arachides fameux aux bureaux d'ASI. Le repas est très convivial, chacun découvre les autres ou retrouve les vieilles connaissances : certains viennent pour la dixième fois ici, il n’y a qu’Hasna, Alix et moi qui venons en Afrique pour la première fois. Isabelle et Alexandra, les deux expatriées, nous racontent de nombreuses anecdotes croustillantes, on en redemande, et on se rend compte que la gentillesse des Burkinabè peut déteindre sur les blancs. Et elles nous préviennent que le retour sera difficile aussi.

Leur action sur place m’a étonné (je n’imaginais pas que le développement pouvait devenir un métier) et plutôt séduit.

Le soir, nous campons à la Retombe – un campement en dur avec une douche pour 2 chambres (très pratique malgré l'eau froide qui nous fait pousser des cris plutôt amusants). Dehors, c’est un plaisir d’uriner sur les feuilles sèches d’où jaillissent d’énormes crapauds.

Mardi 20 février 2001 : Présentation d'ASI/ICODEV

Après une courte nuit à la Retombe, nous nous réveillons tant bien que mal... alors que Michel et Arouna ont poussé le 4x4 à pieds assez loin pour ne pas nous réveiller une heure plus tôt afin de préparer le petit déjeuner ! Aux bureaux ASI/ICODEV, nous prenons le petit déjeuner sous une paillote avant de terminer la matinée dans les locaux pour écouter les explications de l'équipe sur leur travail sur place.

Les locaux sont ventilés, et c’est bien agréable sous la chaleur écrasante, qui est loin d’atteindre les sommets des mois de juin/juillet. Bien sûr, tout est réduit au minimum, et je manque de vomir la première fois que je vais aux toilettes – une dalle de béton percée d’où s’échappe une puanteur terrible. Mais le bâtiment est bien équipé : rétroprojecteur, ordinateurs – connectés à Internet – ventilateurs bienfaisants… Et on s’habitue vite aux conditions précaires, qui finissent par nous sembler normales.

Finalement, c’est à partir de ce moment qu’on commence à comprendre les Africains. A partir de ce moment où on se rend compte que ce ne sont pas les conditions dans lesquelles on travaille qui importent, mais ce qu’on arrive à faire avec ce qu’on a. Et on se sent un peu coupable lorsqu’on se plaint que la climatisation tombe en panne. C’est à peu près le même choc que lorsqu’on comprend pourquoi on nous disait, lorsqu’il fallait finir son assiette, ‘et dire qu’il y en a qui n’ont même pas de quoi manger’. D’autant plus qu’au Burkina Faso, manger est vraiment une préoccupation de tous les jours.

Les explications des membres d’ICODEV sont passionnantes et saisissantes. Ils savent vraiment parler, et sont conscients des différences entre nos mondes, ce qui fait qu’ils savent nous décrire la situation telle qu’elle est. En tous cas c’est un choc de saisir l’importance de leur action, alors qu’on n’en supposait ni l’existence, ni même l’utilité malheureusement. Parce que finalement, on ne sait pas ce qui se passe là-bas.

On ne sait pas que l’eau potable y est si rare, que les conditions d’hygiène sont si précaires, que les taux de scolarisation et d’alphabétisation sont si faibles… Ou alors on le sait, mais on ne peut pas se l’imaginer tant qu’on ne l’a pas vu. Mais rien que d’entendre le travail qu’ils accomplissaient, j’étais stupéfait.

ASI[2], ou actions de solidarité internationale, est l’ONG française qui organise chaque année un raid humanitaire[3] en Afrique depuis 12 ans ; malheureusement cette édition 2000 a été annulée suite au tragique accident en Libye. Ce raid subventionne à hauteur de 1 million de francs par an des projets de santé (forages, dispensaires, écoles, centres d’alphabétisation…) et d’élevage (embouche…) proposés puis réalisés par les Africains eux-mêmes. Depuis 12 ans, ASI a des bureaux à Bogandé dans lesquels les Burkinabè et les expatriés mènent leur combat pour le développement. ASI avait pour but de devenir inutile, c’est chose faite depuis janvier 2001 : l’association française au Burkina Faso a été autonomisée en association totalement Burkinabè, ASI devenant le sponsor principal. La nouvelle association a été baptisée ICODEV, pour institut communautaire de développement.

Arouna nous a une fois de plus préparé un repas frais excellent, ce qui est une gageure compte tenu du climat. Je me rends compte que je mangerai mieux que chez moi (pâtes tous les jours…)

L’après-midi, je me décide enfin à sortir ma caméra pour interviewer Adama Thiombiano, le président d’ICODEV, qui dirige également la branche santé. Nous passons 1 heure avec Hasna à lui poser des questions sur le fonctionnement de l’association et l’action des membres au quotidien. Malheureusement, je me suis bêtement trop peu approvisionné en bande vidéo numérique, introuvable sur place, ce qui m’a obligé à supprimer purement et simplement la totalité de l’entretien (1 heure) à mon grand désarroi, mais Adama a pris ça avec beaucoup de recul : « il n’y a pas de problème ».

Ensuite, nous visitons le centre de rééducation (CRAHB) où nous découvrons les outils de la lutte contre la poliomyélite, puis l’atelier de soudure qui fait travailler les villageois et fournit des chaises roulantes aux malades atteints de polio.

Nous arrêtons là notre circuit humanitaire pour la journée, et passons aux activités touristiques, en commençant par le marché. Décidément, ils sont incroyables ces Burkinabè. Moi qui craignais, malgré la soif de découvrir leur culture, le contact avec ces gens si pauvres, j’ai été bien surpris de leur accueil et du respect qu’ils manifestaient pour nous les blancs : certains faisaient même les idiots pour amuser les enfants et rire avec nous, devant les caméras pour qu’on ramène un peu de leur sourire… Je n’ai plus honte de les filmer, parce qu’ils posent, s’amusent et s’étonnent devant la caméra. Je ne suis plus un japonais en Safari. Depuis l’interview avortée, je me mets de plus en plus dans la peau d’un reporter amateur, sans bande (seulement 2 heures pour 2 semaines !) et sans technique, mais désirant rapporter le plus possible de là-bas, notamment pour montrer aux sponsors combien leur argent est utile, et combien il est important qu’ils continuent de soutenir ces populations.

Ensuite, nous passons mesurer la piste de l’aéroport de Bogandé pour le raid 2001, puisque la vice-présidente d’ASI (Marie-Anne Cavelier) et un organisateur (Pietro Marci) nous accompagnent. Nous en profitons pour visiter la station météo, dont le pluviomètre enregistre 0 mL depuis octobre.

Le soir, après les miracles de notre cuisinier superstar, nous allons goûter du poisson à la sauce locale (frit et très épicé) au maquis, qui est la boîte de nuit. Les longues discussions avec Alexandra me montrent que j’ai bien envie, comme elle, de passer du temps sur le terrain, dans ce continent dont je ne connais rien.

J’en profite pour me lier d’amitié avec le chauffeur mécanicien Michel, qui vient de Ouagadougou et me conte des détails qui montrent que la vie y est vraiment dure. Il veut venir travailler en France, mais est-ce qu’il sera bien dans notre pays de consommateurs stressés ? Comment le lui faire comprendre ? Il m’en a voulu de ne pas être l’ami qu’il attendait, d’être trahi une fois de plus par un français. Mais il ne me l’a pas montré pas, et nous avons passé du bon temps sans dépasser les limites de la camaraderie. J’aurais aimé rester plus longtemps pour ne pas être réticent à la création de vrais liens…

Il est 4h du matin, la nuit s’annonce plus courte encore que la dernière.

Mercredi 21 février 2001 : En route pour Gorom Gorom

Nous partons le matin pour Gorom Gorom, tout au Nord du Burkina Faso, dans le désert du Sahel.

Nous passons d’abord par le village de Manni, où nous pouvons voir un maraîchage pour la première fois. C’est incroyable de voir toute cette verdure, qui dénote tellement de la sècheresse environnante. La route passe en fait sur le barrage : d’un côté, les pêcheurs s’affairent dans le marigot ; et de l’autre ce sont les paysans qui cultivent des tomates, des oignons, des choux… alors qu’on ne voyait que quelques petits arbustes secs à perte de vue depuis Bogandé.

 

 

 

 

Une fois de plus, nous profitons du paysage qui défile sous nos yeux. Toutes les demi-heures, le décor semble s’être transformé. L’un des pilotes qui nous accompagne nous explique qu’en avion, on a l’impression que le paysage est coupé selon de longues lignes droites, qui le transforment en désert au fur et à mesure qu’on les franchit.

Nous arrivons à Bani, la ville aux 7 mosquées, qui est en fait un lieu de pèlerinage pour les musulmans. Pendant que mes amis français visitaient les alentours, j’ai préféré discuter avec l’Imam. Nous avons tous discuté un petit moment avec lui au frais, dans la mosquée principale. Je ne pouvais pas le quitter sans écouter ce qu’il désirait nous apprendre à tout prix. Hasna a été découragée par toutes les absurdités qu’il racontait : il disait par exemple n’avoir que 22 ans alors que sa barbe était blanche et que des rides marquaient déjà son visage. Mais il ne cessait de parler, et c’était déjà un émerveillement que d’écouter Arouna, notre cuisinier catholique, et lui discuter avec leurs approches différentes. J’ai compris que toutes ces absurdités n’avaient pour but que de nous faire réagir, pour placer des concepts chocs.

Et dès le moment où j’ai enfin réagi, le dialogue a été vraiment enrichissant : il faisait preuve d’une incroyable ouverture d’esprit, et comprenait tout à fait que pour moi, la religion est une façon d’expliquer la ligne de conduite à suivre, un état d’esprit auquel notre sensibilité peut se rapprocher, et surtout les moyens d’accéder à tel ou tel but selon la religion (être Bon, être Zen…). Et c’est vrai qu’il avait toujours des arguments bien pensés, un sens de la répartie à toute épreuve, des mimiques dignes du meilleur businessman (fausses colères…), mais j’ai compris par la suite que c’était le cas de bien des africains.

 

 

En tous cas, c’est là un personnage hors du commun que j’ai rencontré, et il ne faut pas aller au Burkina Faso sans passer le voir, surtout si on est musulman. En effet, il se plaint qu’aucun Européen musulman ne soit passé le voir et discuter avec lui, alors que Bani, au même titre que la Mecque, est un lieu de pèlerinage. D’abord, il essaie de nous interpeller. Ensuite, dès qu’on réagit enfin à ses appels, il s’adapte en utilisant les images qu’il faut pour qu’on le comprenne selon notre perception, mais maintient ses idées, lui qui a choisi de souffrir pour se rapprocher de Dieu. Il n’est pas du tout choqué qu’on ne soit pas croyant ou qu’on n’adopte pas sa conception de la vie ; au contraire il essaie de nous montrer comment être meilleur en fonction de nos idéaux, tout en nous donnant une grande leçon de ce que signifie être musulman. Voici une de ses démonstrations, malheureusement tronquée et déformée par le temps que j’ai mis à la retranscrire. L’homme est l’esclave de Dieu, puisque Dieu est notre maître (sinon, il n’y a pas de Dieu). Et le propre de l’esclave est de travailler pour son maître, or on ne peut pas travailler sans se fatiguer : un marchand ne vendra rien s’il refuse ses clients pour pouvoir dormir. Eh bien, c’est la même chose pour nous !

Aussi, il faut être propre, sinon on s’approche de Satan. Si on est sale, Dieu ne veut pas de nous : s’il y a plein d’or au fond des latrines, personne ne le verra. De même, si un homme fait quelque chose de sale, personne ne verra sa propreté. La saleté terrestre masque la propreté divine.

Lui a choisi de suivre la voie que Mahomet a ouverte. Il cherche la perfection, et essaie de faire le bien autour de lui. Parce qu’il a la foi, celle-là même qui fait des bons prêtres que ce sont des bons prêtres. Dieu est partout, il fait n’importe quoi : il peut prendre la vie d’un homme pour la donner à un rat, personne ne peut le comprendre. Et on ne sait pas qui est le prophète : il faut croire. Peu de gens ont eu la foi en Jésus avant qu’il ne fasse de miracles. Mais lui, je pense, en aurait fait partie. 

Il faut retourner dans le minibus, je n’en ai aucune envie parce que je passe du bon temps avec lui. Mais ce ne sera malheureusement pas la dernière fois que je regretterai de ne pas rester plus longtemps. Il faut avoir du temps pour apprécier pleinement la conception africaine de la vie. Il faut prendre le temps de ne pas confondre nonchalance et lenteur. Mais bien sûr, nous avons des impératifs…

A midi, repas à Dori. Pendant que je me fais cirer les chaussures, les enfants nous racontent ce qu’il se passe chez eux. Ils sont vraiment conscients de ce qui est différent de chez nous, et sont capables de nous expliquer ce qui leur semble évident. Ce sont d’excellents pédagogues, parce qu’ils ont l’habitude du contact humain. Partout on nous interpelle (« les blancs ! » ou parfois même « les blancs français ! ») pour nous vendre des babioles ou un service. Lorsque nous passons devant l’école avec Hasna, les enfants se ruent sur nous pour nous tenir la main. Nous avons chacun 5 petites mains à gauche, 5 autres à droite. Ils rient, et nous sommes heureux, un vrai sentiment de plénitude, immortalisé à jamais dans ma mémoire.

Et c’est reparti pour la piste, longtemps, ce qu’il faut en fait pour apprécier autre chose que le paysage qui change sans cesse. C’est un peu comme lors d’une traversée à la voile : le temps se dilate, on se sent bien, on a tout le loisir de penser calmement, bercés par les chansons de DJ Félix.

Le soir, nous arrivons chez Petra et Daniel, un couple d’ingénieurs – reconvertis au développement – de l’association ADRA à Gorom. Nous sommes tout rouges, recouverts de latérite. De vrais Indiana Jones – en minibus climatisé. Nous dormirons dans leur petit jardin d’Eden où biche, paons et tortues côtoient d’autres animaux plus classiques (chiens, chats). Il ne manquerait plus que Tom Jones, et on se croirait dans la fin du film Mars Attacks… Dehors, les enfants qu’on croise viennent vers nous, ils nous parlent de leur école, et veulent qu’on s’échange les adresses. Sans doute espèrent-ils plus qu’un simple correspondant en France… Mais ils y mettent vraiment la forme, on ne peut qu’accepter. Et ils posent, demandent à être pris en photo, et nous font visiter Gorom.

Ce soir, j’essaie d’éliminer la fatigue en me couchant tôt. Bonne nuit tout le monde.

Jeudi 22 février 2001 – Gorom Gorom

C’est le jour du marché dans cette ville, et c’est l’un des plus importants de la région. De grands camions viennent y chercher les animaux qui font la notoriété de ce marché : des bœufs du Mali (avec d’énormes cornes), des chameaux…

Mais il y a aussi de très nombreux ânes, qui ne sont pas là pour être vendus mais sont en fait regroupés dans des parkings. L’âne est l’un des moyens de locomotion le meilleur marché et donc le plus répandu en Afrique, avec le vélo (surtout au Burkina) et la BM double pieds. « C’est le taxi le moins cher de la brousse ! ». On voit aussi des chameaux qui appartiennent aux Touaregs, ces hommes Bleus qui viennent parfois de Tunisie, et qui vendent tout ce qui existe à base de cuir et d’argent (du sabre au jeu d’échecs).

Le matin, nous faisons un petit tour de chameau. Le chamelier qui s’occupe de moi m’explique qu’il s’appelle Daniel, « parce qu’il est blanc ». Joli clin d’œil…

Ensuite, nous visitons le grand marché. Les marchandages vont bon train, c’est amusant, et c’est en fait le meilleur système de commercer avec si peu de moyens, puisqu’un bon marchandage implique que le vendeur et l’acheteur sont heureux de l’affaire. Bien sûr, on sait parfois qu’on pourrait aller plus bas, mais la différence entre le prix et la valeur de ce qu’on achète nous permet de faire de petits sacrifices qui comptent parfois pour eux. Evidemment, on se fait aussi parfois complètement arnaquer, mais ça fait partie du jeu : il faut toujours avoir du temps pour faire ses achats, sinon on paye au prix touriste, ce qui est pire que le prix Blanc. Et les meilleures affaires, c’est accompagnés par des Burkinabè qu’on les fait, surtout s’ils parlent la même langue que le commerçant (il y a 3 langues officielles en plus du Français au Burkina Faso, celles des principales ethnies : Peuls, Gourmantché et Mossi).

Le soir, nous rentrons vers Bogandé. Une fois arrivés, nous sommes pleins de terre de nouveau.

 

 

 

 

 

Vendredi 23 février 2001 - forage de Wourmoula

Le matin, nous visitons le forage de Wourmoula, financé par Marcel Godefroy, qui est présent pour l’occasion (il ne manque plus une occasion d’aller à Bogandé malgré ses 82 ans !)

Les habitants de ce village et des alentours auront enfin accès à l’eau potable ! En effet, ils ne buvaient jusqu’alors que l’eau du puits (à 10 mètres de profondeur, alors qu’un forage puise de l’eau dans les nappes à 30 mètres de profondeur), qui leur donnait souvent la maladie du vers de Guinée, qui immobilise les personnes qui en sont atteintes une année complète à cause d’un parasite qui entre dans le bras. Pendant ce temps, les hommes alités ne peuvent travailler et nourrir leur famille.

Sur place, un accueil hors du commun nous attendait. D’abord, les enfants se sont regroupés autour du premier 4x4 : il était inconcevable pour eux qu’il y en ait d’autres, et ils étaient stupéfaits d’en voir deux autres arriver derrière ! Tout le village dansait, les femmes sifflaient, « c’est vraiment la fête au village, il faut nous comprendre ». Oui on comprend, et c’est un honneur d’être accueillis comme cela. Un spectacle a été organisé en notre honneur, le griot est venu nous remercier et nous demander de continuer et des danseurs exhibaient leurs muscles saillants en les remuant au rythme des Tamtams. Marcel a reçu un boubou et un mouton (un cadeau de grande valeur). Lors de l’inauguration, j’ai eu la mauvaise idée de boire de cette eau. Je savais qu’une bonne turista m’attendait, mais comme on dit, un voyage sans turista, ce n’est pas vraiment un voyage…

Ce sens de l’accueil nous a stupéfaits, il m’en reste des images fabuleuses, et c’est ce qui contribue aux émotions fortes qu’on ressent en Afrique. Je me suis senti un peu honteux d’avoir tant d’honneurs alors que je n’avais réalisé qu’un site Web… Bien peu de chose en réalité ? Pas tant que ça, parce que ce site a contribué à la participation des sponsors, qui ont financé les projets (ce forage, qui apporte tant aux villageois, a coûté seulement 50 000 F !). Et m’a permis de faire ce voyage, puisque j’ai gentiment été invité à faire le raid… qu’il ne tient qu’à moi de recommencer s’il le faut.

L’après-midi, nous sommes allés visiter un centre d’alphabétisation. Une fois de plus, nous étions accueillis comme ceux qui l’avaient financé, bien qu’on n’en ait financé qu’une partie. Cette fois, je trempe seulement mes lèvres dans la calebasse contenant l’eau de bienvenue (à la farine de mil), avant de la passer à mon voisin.

Nous assistons à des danses parodiques, qui font hurler les villageois de rire, mais que nous ne comprenons malheureusement pas. Nous visitons le centre de d’alphabétisation, qui a une importance sociale capitale.

En effet, voici un récit, provenant d’un « compte rendu de l’atelier sur la production d’un feuilleton radiophonique sur l’alphabétisation pour la promotion de la scolarisation » (les Africains aiment bien ce genre de titres à rallonge mais complètement clairs quant au contenu…) retranscrit tel quel : le cas du vieux Yombo. C’était l’une des personnes les plus âgées qui participait à une campagne d’alphabétisation. Il était la risée car on voyait mal une personne de son âge s’asseoir avec des enfants et répéter O, A, I. Il a suivi le programme jusqu’au bout et comme il était alphabétisé, il a été choisi comme correspondant de presse pour le journal dans son village. Il avait donc un appareil photo, un moyen de déplacement. C’était à son tour de se moquer de ses camarades. Le vieux Yombo est devenu très important dans le village. Il était en contact constant avec les autorités et les étrangers qui venaient au village. Chaque fois, il était au centre, lorsque le PAM envoyait des vivres… quand les vivres arrivaient au magasin, c’est lui qui signait le bordereau. Leçon à tirer : que les programmes préparent mieux les bénéficiaires à lutter contre les autres, braver son ami, sa belle-famille pour apprendre à vivre.

Marie-Anne Cavelier, vice-présidente d’ASI qui était aussi parmi nous en tant qu’organisatrice du raid et de ce voyage, et que porte-parole, nous représentait dans chaque village. Après que chacun de nous se soit présenté (« Cédric, étudiant, pour la première fois en Afrique »), elle expliquait l’autonomisation d’ASI en ICODEV et rassurait les villageois quant à la pérennité du soutien d’ASI France qui ne les oublie ni ne les abandonne pas. Elle s’est vue remettre un mouton, que nous avons mis à côté de celui de Marcel, dans la benne du 4x4.

Dans ce village, j’ai vu Hasna au milieu d’un joyeux regroupement. En m’approchant, j’ai compris qu’elle portait un enfant et jouait avec lui. La mère de l’enfant lui a demandé de le baptiser, il portera donc le prénom du grand-père d’Hasna : Ahmed.

Nous avons ensuite visité l’école, qui peut amener les élèves encore plus loin que ne le fait l’alphabétisation, puisqu’ils y apprennent à parler en Français, et pas uniquement dans leur langue natale, et conduit certains d’entre eux, les plus fortunés, jusqu’aux grandes écoles africaines ou aux nôtres.

Ces écoles sont loin d’être fréquentées par la majorité des enfants en milieu rural, parce que celui qui fait de l’exploitation traditionnelle a besoin de bras pour travailler. Malheureusement, au niveau urbain, les parents n’ont pas les moyens d’envoyer leurs enfants à l’école.

Samedi 24 février 2001 – Dipienga et Dinalaye

Nous partons tôt le matin pour visiter 2 villages reculés. Impossible de prendre le minibus, nous partons donc tous en 4x4. Sur la route, nous montons dans la benne, et parcourons des dizaines de kilomètres (à une moyenne de 30 km/h tellement la piste est mauvaise, bien qu’ils la considèrent comme très praticable) à l’air. Le vent chaud aère nos visages, nous progressons au milieu de paysages grandioses dans la nature sauvage dévoilant l’immensité des Baobabs, la sécheresse à perte de vue. Encore un moment qui bien que dénué de tout contact permet de comprendre l’état d’esprit des Burkinabè, qui évoluent en permanence dans ce décor, qui change du tout au tout pendant la saison des pluies (juillet/août).

 

A Dipienga, les danses d’accueil sont particulièrement belles. Les danseuses avaient revêtu le maillot de l’équipe de football du Cameroun jaunes, éclatants de couleurs. Nous avons vu un centre d’alphabétisation et une pharmacie. Les pharmacies permettent d’approvisionner les villageois en médicaments et de les conseiller dans les villages les plus reculés. C’est encore une action dictée par l’initiative de Bamako, qui vise à décentraliser tout ce qui a trait à la santé (eau potable, dispensaires, …) J’ai appris que c’est à ces pharmacies ou aux personnes compétentes qu’il faut confier les médicaments, et surtout pas à ceux qui nous ont accueillis (à moins de leur expliquer et que ce soit vraiment pour leur usage personnel) parce qu’il existe un marché noir des médicaments qui sont prescrits sous n’importe quels prétextes par les commerçants, et c’est vrai qu’on voyait des médicaments en vente dans tous les marchés.

A la maternité, les femmes mettent 3 enfants dans les bras d’Hasna, qui est aux anges. Trois petits noirs tout blancs et adorables. Ces bébés ne crient jamais.

Pour le repas, nous goûtons leur mil et leur riz gras, que je n’arrive toujours pas à manger. Mais eux aussi goûtent à notre nourriture, cuisinée avec brio par Arouna, et n’arrivent pas plus à l’ingurgiter.

Marie-Anne se voit offrir un autre mouton, que nous embarquons dans la benne de l’un des 4x4 avant de repartir. La route est difficile, mais il n’y a pas de problème.

Enfin, nous arrivons à Dinalaye, un village Peul musulman. Je suis tout de suite séduit par la beauté des femmes, de leurs habits (jaune, rouge et bleu vifs) et de leurs bijoux. Lorsque nous nous déplaçons à pied de bâtiment en bâtiment, c’est tout le village qui nous suit. Le chef du village nous accueille chez lui pour nous donner l’eau de bienvenue, nous remercier, et nous expliquer où en sont les choses. Une fois de plus, les vétérans sont ravis de se rendre compte du chemin parcouru : 40% de la population vient à l’Hôpital, où les époux peuvent parler de contraception, ce qui élimine les doutes quant au modernisme dans les villages musulmans. Nous partons alors vers l’école en 4x4, et c’est tous les enfants qui se mettent à courir dans la poussière derrière nous. Ils crient de bonheur, courent avec le soleil en contre jour qui diffuse ses rayons à travers la poussière, et c’est vraiment beau.

 

 

 

Là, je donne les 1000 derniers stylos qu’ils me restent des 2000 que j’avais emportés de mon école. Et je ne fais pas l’erreur que j’avais commise à Gorom Gorom de les donner directement aux enfants. En effet, ils en étaient presque venus à se battre pour les avoir lorsque j’en ai donné quelques-uns à côté du marché, parce qu’il faut bien comprendre que les élèves n’ont même pas un stylo par élève ! Alors, je les ai donnés au professeur cette fois, qui fera lui-même une distribution bien plus équitable que celle de la loi du plus fort.

Pour aller au village, nous prenons les 4x4 de nouveau, et le spectacle recommence. De partout, ils courent, passent d’une voiture à l’autre lorsqu’on tente de les éloigner pour éviter tout accident, et rient de toutes leurs dents.

 

Le village est superbe, et diffère des villages que nous avons traversés auparavant, car il est grand en conservant une architecture de petit village, c’est à dire que les familles vivent dans le même ensemble de maisons. Les peuls sont nomades traditionnellement, et les villages peuls comme celui-là sont assez rares. Nous rencontrons l’Imam qui dégage un charisme dont nos chefs d’état seraient jaloux. Mais bientôt, il est l’heure de quitter l’enchantement pour rentrer sur Bogandé. Nous restons dans la benne, et profitons du paysage dans les lumières chatoyantes du soleil couchant. Nous prenons des cyclistes en stop, qui ont fait 15 km pour venir nous voir, et ils rentrent à 5 avec leurs vélos dans une benne.

Le paysage prend un autre aspect à la tombée de la nuit, puis dans le noir. Nous traversons quelques villages dans lesquels les habitants se regroupent autour du feu. Le samedi soir, c’est la seule attraction qu’ils aient. Ça, l’arbre à palabres, les Africains sont friands des longues discussions qu’on ne prend plus assez la peine d’avoir. Je me dis qu’ici, rien n’a bougé depuis 3 millénaires. Et que ce sont les valeurs qui me tiennent à cœur qu’ils ont su conserver, sans électricité, eau courante ni aucun des ces conforts qui sont naturels chez nous. Je reste dehors tout le temps du trajet, et suis entièrement recouvert de poussière à l’arrivée, ça devient monnaie courante.

Le soir, nous allons à la soirée dansante au maquis à Bogandé. Le samedi, comme le vendredi, est un soir particulier : il y a du courant jusqu’à 1 heure du matin (à Bogandé, l’une des rares villes à être équipée de l’électricité, il y a du courant de 8h00 à 12h00 puis de 14h00 à 24h00 du dimanche au jeudi. Les plus jeunes y allons malgré le réveil du lendemain qui sera difficile à 6h00. Je craignais un peu la réaction des villageois, ils ont été très avenants. Ils venaient nous chercher pour nous montrer leur façon de danser. Et la conclusion de l’un d’eux doit être très souvent vérifiée : « je crois que petit noir a battu petit blanc ! » A une heure du matin, c’est le groupe électrogène qui prend la relève, et la nuit continue…

Dimanche 25 février 2001

Nous-nous levons tôt pour pouvoir assister à la messe de 8h00 à Manni. A côté de nos messes mornes et désertées, c’est le jour et la nuit : elle est très enthousiaste et festive. Un enfant m’apprend à jouer en rythme avec les chansons sur le banc de bois. Marie Anne explique une fois de plus notre présence et les changements qui se sont déroulés, et une danse improvisée sera organisée à après la messe en notre honneur. L’un des danseurs est un fils caché de Mikaël Jackson. Il a beau se colorier en blanc celui-là, c’est un vrai africain…

 

Nous visitons ensuite la ferme. Dans le projet élevage, la technique d’embouche a une importance significative, puisqu’elle permet de grossir les vaches sur une carcasse maigre en un temps record grâce à une nourriture "survitaminée", dont nos vaches ne voudraient pas de peur de maigrir. Pourtant, ils obtiennent des vaches de 500 kg au lieu de 300 kg, et peuvent donc subvenir à leurs besoins et même exporter. En effet, les ovins et les bovins que nous avons vus à Manni semblaient bien mieux en point que ceux qui circulaient dans la nature.

Nous visitons ensuite un maraîchage. Cette fois, je suis enfin conscient de son importance avant d’y aller.

L’après-midi, nous avons la surprise d’être accueillis par les masques à Liptougou, un village où nous visitons un CSPS (un dispensaire) et une banque alimentaire, qui est vide parce que la saison des pluies a été trop courte l’année précédente. Pendant que les enfants de l’école Coranique chantaient pour notre accueil, les masques se sont préparés. Ils ont dansé dans la poussière, sous le soleil de plomb et leurs masques de plumes qu’ils tiennent avec la bouche. C’était vraiment pittoresque, et j’aurais préféré pouvoir rester, une fois de plus, pour profiter vraiment de ces instants privilégiés. Le soir, nous mangeons un méchoui avec les employés d’ICODEV qui nous ont vraiment bien accueillis pendant notre séjour. Hasna et moi en profitons pour interviewer Adama, le président de l’association, et Félix, qui dirige le projet élevage. L’improvisation leur va bien, ils expliquent clairement et rapidement leur action et leur besoin devant la caméra, malheureusement la prise de son n’était pas des meilleures et le résultat n’est pas à la hauteur de mes espérances. Il n’y a pas de problème… J’y retournerai ! Nous pouvons alors profiter de la soirée d’adieu, la « soirée culturelle » à laquelle un excellent groupe de trembleuses – danseuses traditionnelles de la Gnagna qui peuvent faire trembler n’importe quelle partie de leur corps au rythme des Tamtams posés à l’horizontale afin qu’on sente le rythme sur le sol.

Lundi 26 février 2001

Avant de retourner à Ouagadougou, nous saluons les autorités. J’ai une bonne fièvre (j’ai froid en col roulé au soleil, alors qu’il fait 30°C), je suis bien blanc, comme ça je contrasterais bien sur la photo de famille. Heureusement, Kandjoa et Olivier s’occupent de moi, je serais guéri le soir même.

 

Lundi 26 et mardi 27 février 2001

C'est la fin de notre beau voyage. Une dernière surprise nous attend : c'est le FESPACO (festival panafricain du cinéma à Ouagadougou), et la ville est en effervescence. Nous sommes sollicités en permanence par les jeunes qui proposent toutes sortes de service moyennant quelques CFA, ce qui est bien pratique pour se repérer lorsqu'on doit rejoindre un groupe de blancs au milieu de ce joyeux bazar. Partout, les mobylettes évitent les passants ou nous interpellent pour nous amener plus loin.

Malheureusement, en blanc français qui se respecte, je n'ai pas le temps, et il me faut courir de taxi (on peut traverser la ville pour 500 CFA, soit 5FF) en motocyclette en permanence. Le peu de temps qu'il me reste à Ouagadougou, je le passe à visiter le marché couvert en compagnie de Zacharia, à qui Bureima (infirmier au FESPACO) m'a confié. Tous deux sont infirmiers à Ouaga, c'est une amie française qui me les a recommandés et elle a eu bien raison puisqu'ils m'ont permis de profiter de Ouagadougou vue de l'intérieur. Leur ami Abdul, l'artisan, m'a permis de ramener plus de belles choses encore que mon budget d'étudiant me le permettait, et grâce à lui je fais des jaloux avec mon beau masque...

 

 

Michel notre chauffeur m’offre un Batik superbe, il dit que ma femme le coudra pour en faire une chemise. Dommage que le manque de temps m'empêche de profiter du FESPACO, ou encore d'aller au Sahel (bar "reggae" et plus si affinités). Dernier coup d'œil aux enseignes amusantes des bars ("la consolatrice") et aux panneaux publicitaires sur lesquels on se rend bien compte que les Africains n'ont pas peur d'appeler un chat un chat.

Le soir, nous enregistrons nos bagages malgré la grève d’Air Afrique. Je suis horrifié à l’idée de retourner en France. Heureusement, l’avion ne décolle pas après son escale à Bamako, pour des raisons techniques. Je profiterai donc de l’Afrique un jour de plus.

Mercredi 28 février 2001

Nous sommes logés dans un hôtel luxueux de Bamako. Piscine, télé, air conditionné… tout ce qu’il faut, mais quelques-uns uns d’entre nous préférons évidemment visiter.

Nous partons voir les bords du Niger. Et nous remarquons que l’eau, c’est vraiment la vie. Sur les rives, les champs ne manquent pas d’eau, et les femmes lavent leur lessive. De leur bateau, les pêcheurs remontent les poissons.

A un moment, nous surprenons une scène étonnante. Du fait que l’Aïd, fête musulmane au cours de laquelle il faut égorger un mouton, approchait à grands pas, les derniers moutons devaient être vendus. Aussi, les marchands lavaient leurs moutons dans le fleuve, et c’était un concert de bêlements plutôt amusant.

Le soir, il faut rentrer. Notre seule compensation est d’avoir enfin accès à l’eau sur simple demande. « Un verre d’eau s’il vous plaît ».

Arrivée en France, le choc est terrible. Il fait 2°C, il grêle. Les gens sont tous habillés en gris, personne ne sourit. Ils sont loin, les joyeux « bonne arrivée ». Même le "salut" le plus élémentaire a disparu, et on ne répond pas toujours à nos « bonjour ».

Alors on comprend que les Africains exilés en Europe soient choqués du gaspillage qu’on fait, notamment de l’eau, et de notre attitude parfois. Par exemple envers nos grands-parents, lorsqu’on les place en foyer : c’est inconcevable à leurs yeux.

Vivement que j’y retourne, leur rythme de vie et leur façon de penser me correspondent davantage.


 



[1] okraid@mail.cenatrin.bf

[2] email : asi-france@infonie.fr

[3] site : http://www.airsolidarite.com – email : airsol@club-internet.fr - Tél. : 33 (0)1 45 74 77 66